Présentation
Questionnements méthodologiques en géomatique : l’exemple de la cartographie
Prenons l’exemple de la cartographie. Même si la carte papier reste toujours un support de communication utilisé dans l’aide à la décision et à la planification territoriale, elle se voit complétée, voire remplacée par le Web mapping, la cartographie animée ou dynamique, et, d’une manière plus générale, par tous les outils de géolocalisation disponibles sur ordinateur ou Smartphone. Mais ces nouvelles fonctionnalités dans des environnements conviviaux ne résolvent pas pour autant les problèmes récurrents de représentation et d’interprétation cartographiques. La qualité des données géographiques issues de capteurs est-elle suffisante pour décrire avec exactitude l’espace géographique ? La sémiologie graphique employée est-elle correctement adaptée pour une image en mouvement contenant des objets en trois dimensions ? La géométrie des objets, à une échelle donnée de restitution, est-elle pertinente ? Peut-on aisément rechercher une information dans un ensemble inextricable de trajectoires de téléphones mobiles, en extraire des motifs et de quelle façon ? Les méthodes utilisées ont-elles des propriétés éprouvées de robustesse et de fiabilité ? In fine, l’information transmise par le cartographe sera-t-elle fiable et comprise, en fonction des perceptions et de la cognition de l’utilisateur ? Cette cartographie aurait-elle gagné si elle avait été conçue et construite par un collectif de spécialistes aux compétences complémentaires ? Peut-on suivre et observer, faire évoluer et vivre cette information cartographique de manière plus riche dans des observatoires dédiés à l’information géographique, faisant collaborer les différents acteurs des strates décisionnelles spatiales, incluant les scientifiques ? Plus globalement, quelle sera l’utilisabilité de cette carte auprès des politiques et des opérationnels ? Ces observatoires peuvent ils contribuer au développement de villes et territoires intelligents, en favorisant l’utilisation rationnelle des ressources environnementales et des énergies disponibles, la réduction des pollutions, en œuvrant ainsi pour leur pérennité et la résilience de l’humanité ?
On voit bien dans cet exemple le rôle et l’importance accrus de l’information géographique et, de ce fait, des problématiques posées à la géomatique à tous les niveaux identifiés de la chaîne de l’information cartographique, du capteur à l’aménagement. On constate aussi que l’arrivée des technologies par le Web et la profusion de données géographiques démultiplient, complexifient et enrichissent les problématiques et les méthodes d’analyse spatiale.
Positionnement du GdR MAGIS, à l’interface holistique de la géomatique
On peut considérer la géomatique, et en conséquence l’apport du GdR MAGIS, comme un objet scientifique à l’interface de deux grands pans de la société qui constituent deux moteurs essentiels et imbriqués de son développement : des enjeux à l’échelle planétaire et des approches académiques et sociétales. C’est sur ces deux dimensions stratégiques pour les sociétés et l’environnement que s’engagent les membres du GdR (cf. Figure 1). Inventer, développer et analyser en profondeur des approches, des méthodes et des outils permettant de mieux appréhender l’espace géographique et ses dynamiques, en manipulant des Systèmes d’Information Géographiques et des données numériques spatialisées, locales ou massives : tel est le, positionnement du GdR MAGIS. Dans le champ du développement durable, on retrouve par exemple les thèmes de l’énergie, de l’évolution et du suivi des milieux (dont naturels), du bien-être et bien sûr, du climat. En effet, une connaissance approfondie et instruite des processus dynamiques des milieux, des interactions entre la ville et la nature et des systèmes d’information géographiques pour les modéliser, participe indéniablement au maintien d’un environnement durable sous toutes ses formes.
Une des caractéristiques des axes de recherche développés par le GdR MAGIS est de se positionner fortement sur la sémantique, à travers notamment les travaux sur les ontologies spatiales. Qualité, robustesse, fiabilité, précision, etc., mais aussi interactions, décision, partage, pérennisation, sont autant de maîtres mots qui (dé)marquent le GdR d’approches plus techniques, certes louables, mais orientées vers la seule productivité économique. D’une certaine façon, le GdR reste le garant d’une approche qualitative et critique des méthodes quantitatives de l’information géographique. Celle-ci apparaît à la fois dans la façon dont les sujets sont traités (réflexivité, conceptualisation, critique), mais également dans le lien fort qui unit le GdR à la société civile (collectivités, entreprises, associations). Elle se concrétise dans bon nombre de prototypes ou d’outils autour des Systèmes d’Information Géographique, telles que les plateformes d’observation ou de construction de données spatialisées, ou des logiciels spécifiques à certaines applications. La recherche prônée par le GdR peut ainsi être qualifiée de recherche théorique appliquée ou l’inverse, puisque les enjeux considérés relèvent de la technologie comme de la société, dans un contexte global de développement durable.
Le GdR MAGIS propose d’aborder ces problématiques sous différents angles thématiques et méthodologiques. Un nombre conséquent d’Actions Prospectives concernent en premier lieu la modélisation (même si bien entendu des apports thématiques sont attendus dans ces actions) : mobilités et trajectoires dans les transports, SIG 3D, dynamiques et ontologies spatio-temporelles, analyse d’images pour le suivi des milieux, cartographie et cognition, incertitude épistémique et fouille de données spatio-temporelles. Davantage orientées vers des aspects méthodologiques et technologiques, d’autres actions prospectives évoluent vers l’interaction forte entre internet, les réseaux sociaux et l’information géographique. Ce sont les recherches sur les géoweb et les open-data, le crowdsourcing dans les systèmes d’informations volontaires ou collaboratifs, la visualisation des données spatiales, et plus globalement, les observatoires géographiques. Pour tous ces axes scientifiques qui seront déclinés en différentes Actions Prospectives (APs), on constate l’association d’une dimension méthodologique et d’usage. C’est aussi un des traits forts du GdR, grâce à sa composition de laboratoires issus des sciences sociales et de la société et des sciences exactes et expérimentales.
Une compétence commune : la modélisation
La modélisation constitue un des points centraux de l’activité du GdR MAGIS. Tout au long de la vie de ce groupement de recherche, elle a été à la fois un obstacle -dans le contexte interdisciplinaire où nous nous situons, s’entendre sur le sens du terme modèle est déjà un premier défi- et un point de rencontre fructueux des chercheurs des disciplines impliquées.
En effet, une des caractéristiques de l’ensemble des membres de ce GdR est qu’ils pratiquent une analyse quantitative et instruite des phénomènes observés, des plus facilement mesurables (données issues de capteurs ou de géométrie) aux moins facilement quantifiables (logique d’acteurs, réseaux participatifs). À tous les niveaux, le modèle intervient, en se basant sur des concepts, des hypothèses, des observations qui constituent toute la variété et la richesse de l’activité du GdR MAGIS. Dans l’ensemble des processus de construction de ces modèles et de l’analyse de leurs résultats, l’incertitude percole sous différentes formes, conférant une plus ou moins grande qualité aux données géographiques (précision, fiabilité, complétude, continuité) et impacte ainsi les modèles.
Si l’on sait relativement bien structurer des bases de données géographiques via des modèles conceptuels, des difficultés apparaissent dans le choix des systèmes opérationnels (SIG, BDS) pour le stockage, l’interrogation et l’exploitation des informations géographiques lorsqu’elles sont en très/trop grande quantité. Lorsque les modèles visent à inférer une connaissance générale voire des lois ou des prédictions (évolution généralisée des patterns de mobilité, réchauffement de la planète, crise énergétique, durabilité et résilience des systèmes, etc.), les modèles de représentation des connaissances ou de simulation se heurtent à la possible non représentativité des données géographiques en masse, risquant ainsi de biaiser l’analyse. Même dans les modèles de représentation de l’information (en 3D par exemple), l’afflux des données (dans le domaine du traitement d’images avec le LIDAR ou pour des données dans les transports, par exemple) offrent de nouveaux verrous scientifiques, tout en rendant plus délicate une analyse fiable de ces informations géographiques. Au bout de la chaîne, l’usage peut également être modélisé. Il dépend là aussi de l’ensemble des opérations précédentes, mais également des profils et des interactions entre les producteurs ou les utilisateurs de ces données géographiques. Pour les membres du GdR MAGIS, qu’ils soient des disciplines des sciences de l’homme et de la société (géographie, agronomie, archéologie, etc.) ou des sciences exactes et expérimentales (informatique, sciences de l’environnement, par exemple), la modélisation, dans une large acception, est un point de rencontre fructueux, utile, voire nécessaire pour développer des recherches innovantes en géomatique.
Une orientation forte : l’analyse spatiale
En complément de la modélisation, le GdR MAGIS développe une activité importante dans toutes ses Actions Prospectives (APs), autour de l’analyse spatiale en général. L’analyse spatiale est entendue ici dans l’espace géographique, en lien avec les acteurs, l’environnement et l’information numérique. Comprendre comment les sociétés interagissent avec leur environnement, quels sont la place et l’impact des zones urbanisées sur l’équilibre de la planète, comment rendre vertueux le cercle d’interaction entre les populations et leur usage croissant de l’information numérique géographique, comment aider les décideurs à prendre les orientations justes et pertinentes pour des territoires durables… Voilà quelques exemples des questions qui peuvent être traitées au sein du GdR MAGIS dans les domaines scientifiques et d’application de l’analyse spatiale et la géomatique.
Cette analyse intègre notamment la dimension temporelle, par la modélisation et la compréhension des systèmes dynamiques. Elle concerne également, à travers la recherche et l’extraction d’information géographique, les outils et méthodes relatifs à la fouille de données et à la statistique spatiale. La recherche d’approches, de métriques et de méthodologies dédiées à l’information spatio-temporelles constitue un des points forts du GdR MAGIS. Ces aspects s’enrichissent parallèlement d’une prise en compte des nouvelles approches collaboratives (observatoires, crowdsourcing, informations géographiques libres en ligne) et de l’afflux continu et croissant de quantités d’informations géographiques nouvelles et pas toujours bien structurées, ni validées. Il ne s’agit pas de prendre à bras-le-corps l’ensemble des problématiques liées aux données spatiales massives, mais plutôt d’intégrer cette nouvelle dimension dans les connaissances et les acquis du groupe et dans la modélisation et l’analyse spatiales, en se focalisant sur la spécificité de celles-ci, notamment via la géolocalisation absolue (c’est-à-dire en coordonnées), relative (distance et contiguïté à d’autres objets géographiques) ou complexe (organisation spatiale d’objets et d’acteurs localisés et en interaction). Améliorer la qualité de l’analyse spatiale de l’ensemble de ces informations géographiques sous toutes leurs formes est donc un objectif majeur et spécifique du GdR MAGIS.
Une approche partagée : l’interdisciplinarité
MAGIS est l’héritier de trois GdR successifs – MIS, CASSINI, SIGMA – qui l’ont précédé et ont œuvré depuis les années 80 pour l’animation et la structuration de la recherche en géomatique, en rassemblant une communauté scientifique composée majoritairement de chercheurs en informatique et de chercheurs en géographie, mais également ouverte à d’autres disciplines des sciences humaines et sociales, des domaines de l’écologie et de l’environnement, ou encore des sciences de l’univers. Le GdR MAGIS rassemble des chercheurs dont l’objet d’étude est l’espace géographique et qui axent leurs recherches sur des modèles, des outils et des méthodes permettant d’analyser cet espace et les activités qui lui sont associées. Chercheurs en informatique et en géographie ou d’autres disciplines se rejoignent pour imaginer ensemble, abstraire, conceptualiser, concevoir, développer, rendre opérationnels, mesurer, éprouver et tester les modèles, outils et méthodes informatiques et logiciels de représentation et de traitement de l’information géographique, indispensables à une analyse performante et pertinente de l’espace étudié.
Grâce à des rencontres fréquentes et une animation transversale du GdR MAGIS, les chercheurs impliqués sont depuis de nombreuses années rompus à la pratique de la recherche interdisciplinaire et sont à même de sensibiliser et d’accompagner les jeunes chercheurs arrivant dans le groupe à ce type particulier de recherche collaborative et ouverte. Le groupement se positionne ainsi au front d’une recherche ambitieuse et quelque peu risquée, dans la mesure où l’interdisciplinarité ne constitue toujours pas aujourd’hui, dans les faits, une approche totalement reconnue et acceptée de l’activité scientifique. Le GdR MAGIS revendique ce point de vue et mise sur la capacité de ses chercheurs et de ses laboratoires membres à ouvrir des voies nouvelles, porteuses de recherches innovantes en géomatique et en analyse spatiale, qui auront, par ricochet, une incidence importante sur les avancées scientifiques des disciplines impliquées, et sur l’appréhension plus globale de la société et de l’environnement, dans son intégrité et sa durabilité.
Liste des Actions Prospectives
Analyse d’images pour le suivi des milieux
Données 3D géospatiales
Energie, Territoire, Information/Captage, pour la Transition (ETIC’T)
EXtraction de Connaissances à partir de donnéEs Spatialisées (EXCES)
Géo-visualisation & Cognition
GeoVisAnalytics
Incertitude épistémique : des données aux modèles en géomatique
Information Géographique Volontaire et Crouwdsourcing pour la connaissance de l’espace géographique
Mobilités et Trajectoires
Observatoires Scientifiques Milieux/Sociétés
Ontologies et dynamiques spatiales
Théoriser, Observer, Analyser, Modéliser le Géoweb